La belle aventure de Roger Duthoit
Grands voyageurs durant leurs premières années de retraite, Roger et Claudette sa femme, aimaient partir ensemble à la découverte du monde. Et puis, Claudette s’en est allée pour le grand voyage… Mais Roger (qui habite aux Résidentiels de Château d’Olonne depuis presque 3 ans) n’est pas du genre à s’enfermer et quand en avril dernier, un organisateur de voyage propose une destination Pérou, il s’inscrit ! Découvrez l’histoire d’un senior en vacances au Pérou relatée par une résidente de Château d’Olonne.
♦ Colette : Pourquoi le Pérou ?
♦ ♦ Roger : Un peu le hasard, j’avais choisi Madagascar mais l’agence annula le voyage suite à de violentes manifestations là-bas. Si je pars vers un pays que je ne connais pas, ce n’est pas vraiment un choix c’est plutôt par instinct. Appréhension avant le voyage, je ne parle aucune langue, juste le français… et encore pas toujours bien… Surtout, je me demande si, à 83 ans, je ne vais pas me retrouver à l’hôpital, victime du mal d’altitude lors du circuit que propose l’agence sur des sites de plus de 3.000 m.
♦ Colette : Il paraît que les personnes âgées souffrent moins du mal d’altitude que les jeunes… la vieillesse n’a pas que des côtés négatifs !! Donc, tu pars…
♦ ♦ Roger : … de Nantes par avion, direction Madrid. Arrivé à Madrid, les problèmes commencent. A la sortie de l’avion tout va bien, je n’ai qu’à suivre le troupeau. Mais arrivé dans les bâtiments, c’est une désorientation totale, je ne connais pas un mot d’espagnol ! C’est par où qu’on va où ? Il y a des informations partout mais je n’ai pas le code. Bon, on finit par se débrouiller et le lendemain je prends le vol pour Lima. Je retrouve donc les 29 personnes inscrites venues des quatre coins de France sous une pancarte écrite en français par notre guide qui attend. Lima, c’est la capitale du Pérou, coincée entre le Pacifique et la Cordillère des Andes qui culmine à cet endroit à plus de 5.000 m. Le tiers de la population péruvienne y vit, 90% de catholiques…
Lima capitale du Pérou
♦ Colette : Quelle langue parle-t-on au Pérou ?
♦ ♦ Roger : Surtout l’espagnol.
♦ Colette : Donc les Péruviens modernes ont adopté la langue et la religion des Espagnols qui ont envahi leurs terres, pillé leurs richesses, détruit leur civilisation et remplacé Cuzco la très riche capitale inca, par Lima ?
♦ ♦ Roger : C’est vieux…il y a prescription. Ça date de quand ? Je n’en sais rien, ce que je sais c’est que Lima est une grande ville d’immigration. Chaque année 250 000 personnes s’y installent, venant de l’intérieur ou d’autres pays. Gros problèmes, les bidonvilles grossissent et les inégalités avec. Sur les grands axes routiers s’alignent des caravanes où les immigrés proposent leurs services aux touristes, de la nourriture ou des bricoles. Ils gagnent quoi ? 20 € par jour pour les hommes, une dizaine d’euros pour les femmes ? On dit aussi que Lima est une des villes les plus polluées d’Amérique Latine. Il n’y a aucun transport en commun, que des taxis ou des autobus d’entreprises privées qui roulent avec des carburants pourris. Autre problème, le manque d’eau et en plus, celle du robinet n’est pas potable.
♦ Colette : Ça, c’est la faute du courant côtier de surface qui vient de l’Antarctique et dont les eaux froides ne s’évaporent pas et n’apportent donc pas d’humidité. Quant au rio Rimac qui descend du sommet des Andes, son débit est faible. Il charrie un paquet d’alluvions arrachées à la montagne qui rend ses eaux impropres à la consommation.
♦ ♦ Roger : Ceci dit le pays a des richesses incroyables dans tous les domaines, pétrole, gaz, mines d’argent et d’or, mines de sel… Côté agriculture, le pays regorge de caféiers, cacaoyers… partout des plantations d’arachides, de riz, de pommes de terre… 3.600 espèces, tu te rends compte ?! Il y a aussi du maïs, du blé, de l’avoine et lors des voyages en car, nous avons admiré l’alignement des cultures en terrasses dont la technique a été mise au point par les Incas.
Les richesses du Pérou
♦ Colette : Justement, les richesses du pays parlons-en, où êtes-vous allés ?
♦ ♦ Roger : D’abord à Arequipa, en avion. 2.400 m, promenade tranquille dans la ville, histoire de nous habituer à l’altitude. Nous changerons de lieu chaque jour et le lendemain nous partions en direction de Puno. 300 kilomètres en car grand tourisme très confortable mais six heures tout de même pour monter à 3.000 m à travers des champs d’ails et d’oignons et découvrir de loin, les vigognes, ces cousines sauvages du lama et de l’alpaga, qui eux sont domestiqués. Les vigognes vivent en liberté mais elles sont capturées et tondues pour leur laine une fois par an. Les lamas sont les plus sociables, ils servent de bêtes de somme et sont aussi élevés pour leur viande. L’alpaga l’est surtout pour sa belle fourrure.
Puno au bord du lac Titicaca
♦ ♦ Roger : À Puno, j’ai commencé à sentir la fatigue due au manque d’oxygène, heureusement un nancéen du groupe avait de la ventoline et il m’a bien aidé. Dans le bus ou à l’hôtel, on a toujours une possibilité de récupérer en prenant cinq minutes un appareil à oxygène et on trouve partout l’infusion de maté de coca pour traiter mal de tête et vomissements. Pour ma part, je n’ai pas eu d’ennuis durant cette première partie du voyage.
♦ Colette : Donc à Puno vous êtes à 3.000 m et à l’étape suivante ?
♦ ♦ Roger : L’étape suivante se fera en bateau, sur le lac Titicaca sorte de mer intérieure à 3.800 m, grandiose, 170 km de long, on n’en voit pas le bout. Le bateau nous embarque pour les Îles flottantes créées par les Incas. Des îles faites de joncs, des plateformes d’un mètre d’épaisseur qu’il faut constamment surélever car la partie immergée pourrit. Le sol est plutôt instable mais les enfants apprennent à s’y déplacer. Les indiens Uros qui vivent ici se nourrissent essentiellement de leur pêche.


Traversée du lac : elle dure deux heures et nous mène à un village inca. Voilà comment ici on prépare le repas. On creuse un trou de 1 mètre dans lequel on entasse des pierres plates qu’un grand feu chauffe au rouge. Ensuite, on retire les pierres, on les remplace par des pommes de terre que l’on recouvre de quelques pierres brûlantes, sur lesquelles on met des légumes eux-mêmes recouverts de pierres et de terre. Par-dessus, une bonne couverture et encore par-dessus toutes sortes de plantes parfumées et recouvertes de terre. 40 minutes et c’est cuit.
Une civilisation inca
♦ Colette : Si j’ai bien compris, c’est maintenant que le voyage va devenir sportif ?
♦ ♦ Roger : On sort de la région sèche pour entrer en pays Quechua, le pays de l’Amazone, le fleuve le plus long du monde après le Nil. L’Amazone naît dans la Cordillère des Andes et court ses 3 000 premiers kilomètres au Pérou avant de traverser le Brésil et se jeter dans l’Atlantique. Des rivières qui gonflent l’Amazone, des vallées à perte de vue. Nous partons en car vers Cuzco, à 3.400 m première étape d’un circuit de trois jours qui nous conduira à Machu Picchu, l’antique cité inca, pour nous ramener ensuite à Cuzco. 8 heures de car pour y arriver. L’agence nous fait visiter la Vallée Sacrée. Sacrée pour les Incas parce qu’elle a un climat et une terre agricole exceptionnels. Le soir, le groupe passe ensuite un moment inoubliable en pleine civilisation inca. Dîner/spectacle à la péruvienne avec dégustation de cuys, des gros cochons d’inde rôtis à la broche. Repas animé par un groupe folklorique, danseuses et musiciens qui jouent de la zamponia, une flûte de pan ou de la quena, petite flûte en bois au son très aigu ou qui grattent une mini guitare.
À perdre haleine…
…Sur les marches de Machu Picchu
♦ Colette : Voilà le groupe en forme pour gravir les marches de Machu Picchu…
♦ ♦ Roger : Embarquement au petit matin à bord du train des Andes qui nous dépose à Aguas Calientes. Un autocar nous conduit ensuite au pied des Marches, avec un grand M ! Parce que moi qui ne culmine pas très haut, je dois lever le genou jusqu’à la poitrine pour les franchir ! Comment faisaient les Incas qui n’étaient certainement pas plus grands que moi ? Nous, on profite d’un petit sentier qui serpente sur le côté, vite relayé par des marches normales. Mais quand tu dois en franchir je ne sais combien à la suite pour gravir 500 mètres de dénivelé, je peux te dire que c’est sportif ! C’était pas le calvaire mais ça m’a drôlement remué. Deux groupes avec chacun son guide et nous partons les uns derrière les autres. Je suis dans le deuxième groupe et le dernier du groupe. Une centaine de marches peut-être ? Hors d’haleine, j’en peux plus, ils vont trop vite pour moi. On arrive sur une plate-forme d’où l’on commence à voir la ville inca et je mesure ce qu’il va falloir faire encore. Je fais celui qui est en forme et j’y retourne… J’ai soif, j’ai oublié mon sac en bas dans le car… !
Un bref retour en arrière pour surmonter ce calvaire
♦ ♦ Roger : Je rêve à mon bar, mon dernier achat, mon dernier boulot avant la retraite. Quel parcours du combattant pour en arriver là ! Grâce à un instit, à 15 ans j’ai mon certif. Après, c’est l’apprentissage. Mon père m’a déjà tout appris sur les voitures dans son petit garage. Maintenant j’apprends l’électricité. 19 ans, je devance l’appel et me voilà à Madagascar comme électricien dans l’infanterie coloniale. Les années passent, retour en France, la guerre d’Algérie… Entre temps j’ai eu un fils, ce qui m’évite la guerre. Le beau-père de ma femme me soutient pour acquérir garage, puis station essence, puis carrosserie… Ventes, achats, remises en état se succèdent avec chaque fois, un emprunt à mon beau/beau-père qui m’aime bien et tout ça pour finir par tout vendre après mon divorce. En finale, j’achète un bar que je gère avec Claudette ma deuxième épouse. Bar qui nous épuise par sa charge de travail. Treize ans « à chier » mais nous étions libres, nous ne devions rien à personne.
Que d’efforts ! À côté, me dis-je, monter les marches de Machu Picchu, tu peux le faire !
Le groupe repart
♦ ♦ Roger : Je redescends donc sur terre la tête en feu et je m’efforce de suivre. Puis, tès vite épuisé, je m’adosse au mur qui borde les marches et tente de reprendre haleine. Je me remémore les exercices de respiration du prof. de yoga. En avant, deux des nôtres se sont retournés et me voient. Ils redescendent, le nancéen me ventile avec sa ventoline. Une amie prévoyante qui l’accompagne sort de son sac une bouteille d’eau et me la donne. L’eau, qu’est-ce que c’est bon ! Les gestes de solidarité aussi, ils me requinquent autant que l’eau et la ventoline. Nous rejoignons les autres. Il est maintenant 10 heures 30 du matin et le soleil tape. Encore trois étapes mais cette fois, je monte seul et à mon rythme sachant que le groupe m’attendra tout en prenant des photos car le panorama en vaut la peine.
Dernière étape
♦ ♦ Roger : Et voilà, la dernière marche de la dernière étape est franchie ! Les deux groupes vont donc redescendre sur la gauche pour contourner la ville et rejoindre un sentier très raide qui la leur fera aborder par le haut avec une très belle vue sur l’ensemble de ses vestiges. Moi, je vais garder la même altitude, sans descendre ni remonter mais en coupant à travers la ville, suivant ses couloirs et ses allées jusqu’à rejoindre le groupe de l’autre côté.
Je marche, époustouflé par la qualité de ces constructions si anciennes. Des restes de bâtiments, de maisons, mais tellement solides qu’ils ont traversé les siècles. Partout les pierres sont posées bord à bord sans ciment… et les gonds des portes, tu les verrais, c’est incroyable ! En effet, à un endroit, il y en a deux scellés dans un mur, deux gonds qui ne passeraient pas à travers le volant d’une voiture tant leur diamètre est grand et leur espacement nous dit que la porte qu’ils soutenaient n’avait pas moins de 8 à 10 mètres de haut.
Sortir de ses charentaises à 83 ans
♦ ♦ Roger : Au regard de ma fatigue, après avoir seulement franchi 500 m de dénivelé, je mesure la force physique et morale de ces hommes qui n’avaient que des moyens techniques rudimentaires et je constate que ma « performance » n’a rien d’un exploit, qu’elle est seulement due à une soif de connaître qui me fait régulièrement sortir de mes charentaises.
♦ Colette : Tu me donnes le mot de la fin ?
♦ ♦ Roger : Je suis prêt à recommencer.
Remerciements
Treize jours à vivre dans l’inconnu, cela valait la peine d’en garder la trace. Merci à Roger Duthoit de nous avoir fait partager une partie de ses vacances. Et merci à son amie Colette Tournès (qui habite dans la même résidence seniors) de lui avoir prêté sa plume. On ne le répétera jamais assez… Osez être vous même pour BIEN vieillir !!!

bonjour roger,
bravo pour cette performance à cet age , je pense que tu as des souvenirs pleins la tête
et que ce magnifique pays mérite d’être visité . j’ai une petite question à vous poser avez vous
rencontré des personnes qui avaient des problèmes cardiaques ( pose de stens ) car cela me
demande réflexion , j’ai 70 ans , nous faisons des randos 2 fois pas semaine , nous sommes tes actifs
merci de votre réponse
cordialement
dy